samedi 6 octobre 2012

Des différents agendas européens et de l'utilité de désigner les coupables



L'Allemagne, derrière ou en dépit d'une démagogie antieuropéenne croissante au sein de son opinion publique, tisse la toile de sa conception de sortie de crise. Après un coup de massue moral imposant un défaut grec organisé et une hyper-rigueur d'urgence contrôlée par l'administration européenne, l'Allemagne entend s'attaquer aux faiblesses politiques de l'Europe pour donner à l'Europe plus de légitimité démocratique, et donc en cela mieux répondre aux questions embarrassantes du Tribunal de Karlsruhe.


La France, affaiblie tant par la médiocrité de ses performances économiques et financières que par le traumatisme du Non au Traité Constitutionnel de 2005 cherche une voie plus prosaïque. Elle n'a tout d'abord d'autre choix que de tenter de regagner un peu de crédibilité en montrant qu'elle sait, elle-aussi, s'astreindre à la rigueur budgétaire ambiante. Mais elle doit aussi bruyamment demander à l'Europe de se montrer plus solidaire pour mieux tenter de revendre l'Europe à nos concitoyens.

Tout cela est compréhensible et relativement logique, mais tout cela reste à mes yeux un grand gaspillage, voir un réel danger, car ces deux agendas, l'un trop théorique, l'autre trop pragmatique, évitent d'analyser les raisons de la crise, évitent de  nommer les responsables, et donc ne permettent ni d'en tirer les leçons, ni de tourner vraiment la page. Là où la pédagogie pourrait s'avérer être le meilleur instrument et pour renforcer l'Europe et pour rallier les suffrages en faveur de l'Europe, on esquive un débat pourtant facile, et on s'apprête une fois de plus à flouer le bon peuple que l'on va finir par rendre farouchement antieuropéen.

La crise nous  offre une excellente occasion de rebattre les cartes,  d'enfin bâtir une Europe vraiment responsable, las, on se contente, toujours et encore, de surfer sur la gamme des seules psychologies des opinions publiques nationales pour affronter sans trop de peine le prochain obstacle.

On peut à la limite comprendre que Madame Merkel soit prise au piège de sa propre responsabilité dans les origines de la crise, mais le Président Français n'a pas ce handicap. Il devrait en la demeure lister avec bonheur toutes les erreurs de son prédécesseur en matière européenne. N'a-t-il pas été le plus ardent défenseur, pour ne pas dire la triste caricature, de cette Europe intergouvernementale, bruyante mais impuissante, qui nous a mené à la ruine?

La solidarité est sans aucun doute nécessaire et louable, le Président de la République a tout à fait raison, elle est au coeur du projet européen; mais la désignation des coupables est tout aussi utile pour comprendre nos erreurs, canaliser l'indignation,  répondre aux justes frustrations des citoyens, et enfin reprendre la voie d'un Jean Monnet que nous trahissons depuis le Traité de Nice.

Qui n'a pas su faire appliquer Maastricht? Qui a transformé la stratégie de Lisbonne ou l'agenda 2020 en vaste plaisanterie? Qui sont les membres du Conseil, les Présidents de la Commission, les Commissaires, qui n'ont pas su faire respecter les textes, voire les dépasser pour mieux en défendre l'esprit? Qui a détricoter l'Europe communautaire au moment même où nous nous donnions une monnaie commune?

Haro sur cette approche intergouvernementale, cet affaiblissement de l'esprit communautaire, qui sont les deux véritables cancers de notre Europe. Tournons-donc en conscience la page de cette Europe coupable et asseyons de nouvelles idées, pas si nouvelles que cela d'ailleurs. Retour à Jean Monnet et à ses partisans!

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