lundi 10 décembre 2012

De la Démocratie en Europe? Moins brillant que Tocqueville, mais à lire absolument


Je suis un frustré de Sylvie Goulard, voilà une femme brillante, intelligente, extrêmement compétente, mais que l'on n'entend pas suffisamment à mon goût. Or la construction européenne n'est pas affaire de techniciens pointus ou d'ingénieurs ingénieux mais discrets, la construction européenne est avant tout affaire politique, la plus noble et la plus importante de toute. Elle est donc affaire de Verbe, et le Verbe doit être fort. Suffisamment fort pour être entendu.
Bref je me suis rué sur De la Démocratie en Europe, cosigné de Sylvie Goulard et du grand Monti.
J'ai commencé par être déçu. Les deux premiers chapitres ne sont pas les plus réussis. On s'y complaît trop dans la complexité et dans les limites de l'Europe actuelle, on y assène pas mal d'idées générales ponctuée de bien trop nombreuses citations qui finissent par lasser.
Et puis grand soleil, les chapitres 3 et 4, La démocratie pour le peuple, et L'esprit public, sont réellement excellents. Pardonnez-moi d'être si précis, mais on a de la page 106 à la page 113, un très bon résumé de ce qu'est la mondialisation pour l'Europe et qu'il faudrait faire lire dans toutes nos écoles.
Les critiques portées dans ces deux chapitres sur l'Europe actuelle sont très claires et très utiles. Entre autres : - ''on a confié le rôle de la discipline à ceux qui étaient censés la respecter'', 
- l'approche de la ''maison en bon ordre'' ne suffit pas, il faut des politiques communes fortes, étayées par un vrai budget européen, loin des considérations de juste retour et basé sur des ressources propres, stables et suffisantes, 
- lourde responsabilité de l'absence de politique européenne en matière de compétitivité, 
- un Marché Unique qui reste en fait à construire, pire qui a été en grande partie détruit par la fragmentation apportée par la crise, 
- évidence d'une identité européenne positive, - ''la crise de la zone euro pose en réalité la question redoutable de savoir si le monde peut être gouverné'', 
- cerise sur le gâteau, la formule de Tommaso Padoa-Schioppa pour désigner le Conseil, ''le cartel des nationalismes'' est bien-sûr de la musique à mes oreilles, elle me renvoie avec malice à ma propre impertinence face à ceux que j'appelle les Grands Princes Électeurs.
Après ce cœur particulièrement bon, le livre perd un peu de son souffle même si les idées sont justes. On retourne à des idées un peu trop générales, un peu trop liste à la Prévert de bonnes intentions. Parmi ces gentilles considérations, il en est une que je mettrais particulièrement en avant et que je ne voudrais pas gentille du tout: ''œuvrer au changement d'état d'esprit''. Il s'agit de sortir de ''l'esprit de négation'' et d'avoir le courage de défendre notre ''bien commun'' européen face aux attaques de tous les populismes. Cette défense de ''l'immatériel'' européen est en effet clé, ce qui explique d'ailleurs ma frustration mentionnée au début de ce billet, le verbe doit être Fort, solidement argumenté et largement partagé. Alors en lisant ces trop courts paragraphes particulièrement importants, me sont revenues ces images magnifiques des foules de Leipzig qui avaient eu le courage d'affirmer avec force et en toute sérénité WIR SIND DAS VOLK. Aujourd'hui il est grand temps de tous affirmer avec la même détermination WIR SIND EUROPA. Et c'est bien parce que nous somme l'Europe que nous devons exiger aujourd'hui un véritable sursaut européen.
Un clin d'œil avant de finir, j'ai lu l'essentiel de ce livre dans le vol Pékin-Shanghai et écrit l'entièreté de ce billet dans le vol Shanghai-Sanya. Entre les deux, deux jours dans le quartier d'affaires de Pudong, à Shanghai, où l'on danse de joie avec le XXIème siècle, sans complexe et sans retenue, et où je suis tombé par hasard sur ce titre d'un chapitre d'un document de recherche d'un fond d'investissement chinois : Europe to restore its potential via structural reforms. Voilà les Chinois ont bien noté et commencent à y croire. Alors de grâce, redoublons d'effort, tous ensemble, tous sur le pont, notre belle Europe a besoin de nous, nous devons la renforcer, nous devons la défendre, et nous allons réussir.
Pour nous tous et surtout pour nos enfants. Pour que l'avenir ne soit pas synonyme de paupérisaion massive.
Wir sind Europa!
Un très grand merci à Sylvie Goulard d'être de ce combat-là.

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