samedi 18 août 2012

La France en vacances … de l’Europe.


La Ligue du Nord en Italie suggère que le nord de l'Italie reste dans la zone euro et que le sud la quitte. Brillantissime de stupidité! A la hauteur de bien des niaiseries que l'on entend malheureusement ici et là. Mais à vrai dire plus intéressant qu'il y parait pour mieux comprendre le fond de la question, qui n'est pas tant économique ou financière que tout bonnement politique.


Si en 1999 on a accepté que plus de la moitié des membres de la zone euro que l'on était en train de créer ne respectent pas les critères d'adhésion, appelés critères de Maastricht, c'est qu'à l'époque les réalités politiques semblaient beaucoup plus fortes que les réalités financières. Sans aucun doute un peu dangereux pour une union monétaire, mais il faut dire qu'à l'époque même l'Allemagne, plombée par le coût de la réunification dépassait, de peu mais dépassait quand même, le ratio d'endettement public toléré. Cocorico mérité, la France, quand à elle, avait fait l'effort nécessaire pour respecter les engagements pris.

Évidemment si à l'époque on pouvait se réjouir de cette envolée politique volontariste qui dépassait la réalité financière, on était aussi en droit d'espérer que l'Europe mette en place la gouvernance communautaire nécessaire pour corriger ce départ un peu trop optimiste. On connait la suite, il n'en a rien été, pire après 13 ans de monnaie commune, dont plus de deux ans de crise européenne, on attend toujours en la matière. Le malheur a voulu que nous rentrions dans la paralysie de l'Europe intergouvernementale l'année même où nous créons notre monnaie commune. Négligences financières alors amplifiées par de très regrettables négligences politiques.

La crise venue en 2008 des États-Unis a été le simple mais brutal révélateur de crises purement européennes, disséminées ici ou là, bulles immobilières, bulles du crédit à la consommation, manque de compétitivité, gestion catastrophique des finances publiques,
et surtout terrible gouvernance politique de l'Europe, tellement irresponsable et inconséquente mais tellement verbeuse. La violence de la crise a fait paniquer nos Grands Princes Électeurs du Conseil Européen, ils se sont mis à exiger, soudainement et pour tout de suite, des performances financières et budgétaires qu'ils se sont bien gardés de contrôler pendant 13 ans.

La panique est mauvaise conseillère, elle construit une bulle émotive qui nous enferme dans la crise. Et c’est ce que traduit la sincérité du cri de la Ligue du Nord, foulant au pied 150 ans d'histoire italienne et 60 ans d'histoire européenne. C'est le repli sur les égoïsmes destructeurs, les simplismes coupables. Encore quelques mois de cette logique et nous ne serons pas loin de la violence des idées nauséabondes qui ont par deux fois anéanti  l'Europe occidentale au cours du siècle dernier.

Mais ne sombrons pas dans le catastrophisme, et laissons la Ligue du Nord à ses démons pour nous tourner vers cette Allemagne qui s'avère être le chantier de notre nouvelle Europe en construction. Alors que la France se tait étrangement depuis le début de la crise, l'Allemagne débat, furieusement, depuis environ un an. Puis l'Allemagne a accepté de faire un accroc historique dans son crédo anti-inflationiste pour aider la croissance européenne. Actuellement l'Allemagne se lance dans une nouvelle étape, le lancement d'une campagne ambitieuse en faveur de la construction européenne. Départ un peu chaotique, avec une photo moins consensuelle que prévue de tous les anciens Ministres des Affaires Étrangères, mais départ quand même. Je parie sur le succès de cette campagne et je parie que cette campagne va ouvrir la voix à la solution (allemande) du Redemption Fund. Solution qui est à mes yeux la meilleure sortie de crise possible. L'Europe en marche. Merci l'Allemagne.

Et la France dans tout cela? Elle est en vacances... En vacances de l'Europe, en vacances de sa propre histoire aussi. Silence, un débat très pauvre, à peine existant. A part le recours à la baguette magique pas grand chose. Incantations pieuses sur la croissance, et bien sûr le slogan de toujours, l'Allemagne payera, c’est le slogan sur les eurobonds sans bien savoir de quoi on parle au juste. On peut trouver des excuses à la terrible médiocrité de la France de l'entre-deux-guerres, tellement bien analysé par Marc Bloch dans L'Étrange Défaite. La France avait été saignée à blanc durant la Première Guerre mondiale, sa jeunesse avait été complètement décimée, réduisant fortement la capacité du pays à s'adapter à un monde nouveau, à remettre en question les héritages trop pesants et trop paralysants. Mais qu'est-ce qui empêche la France d'aujourd'hui de se montrer impertinente et audacieuse? De construire intelligemment une Europe nouvelle? D'au moins en discuter? La France ne se targuait-elle pas d'être le pays des idées, des débats, des stratégies politiques, de proposer un modèle d'universalisme? Après avoir laissé  à l'Allemagne la prééminence politique, la France souhaite-t-elle vraiment lui laisser également la prééminence politique?

Étrange et pitoyable démission.

Le Président actuel est sans doute mieux adapté que son prédécesseur bonapartiste pour gérer la crise européenne. Mais ayons un tout petit peu plus d’ambition et ne croyons pas que l’Europe en France soit l’affaire du seul Président de la République.

Femmes et hommes politiques, leaders d'opinion, penseurs de tout bord, à vos plumes! À vos micros! Réfléchissez tout bas puis tout haut!  Suggérez et proposez! Ne laissez pas les citoyens seuls face à leurs craintes et leurs doutes. Expliquez et éclairer le chemin de notre avenir. L’Europe ne réussira que si elle est vivante dans toutes les têtes, dynamique et démocratique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire