La Ligue du
Nord en Italie suggère que le nord de l'Italie reste dans la zone euro et que
le sud la quitte. Brillantissime de stupidité! A la hauteur de bien des
niaiseries que l'on entend malheureusement ici et là. Mais à vrai dire plus
intéressant qu'il y parait pour mieux comprendre le fond de la question, qui
n'est pas tant économique ou financière que tout bonnement politique.
Si en 1999
on a accepté que plus de la moitié des membres de la zone euro que l'on était
en train de créer ne respectent pas les critères d'adhésion, appelés critères
de Maastricht, c'est qu'à l'époque les réalités politiques semblaient beaucoup
plus fortes que les réalités financières. Sans aucun doute un peu dangereux
pour une union monétaire, mais il faut dire qu'à l'époque même l'Allemagne,
plombée par le coût de la réunification dépassait, de peu mais dépassait quand
même, le ratio d'endettement public toléré. Cocorico mérité, la France, quand à
elle, avait fait l'effort nécessaire pour respecter les engagements pris.
Évidemment
si à l'époque on pouvait se réjouir de cette envolée politique volontariste qui
dépassait la réalité financière, on était aussi en droit d'espérer que l'Europe
mette en place la gouvernance communautaire nécessaire pour corriger ce départ
un peu trop optimiste. On connait la suite, il n'en a rien été, pire après 13
ans de monnaie commune, dont plus de deux ans de crise européenne, on attend
toujours en la matière. Le malheur a voulu que nous rentrions dans la paralysie
de l'Europe intergouvernementale l'année même où nous créons notre monnaie
commune. Négligences financières alors amplifiées par de très regrettables
négligences politiques.
La crise
venue en 2008 des États-Unis a été le simple mais brutal révélateur de crises
purement européennes, disséminées ici ou là, bulles immobilières, bulles du
crédit à la consommation, manque de compétitivité, gestion catastrophique des
finances publiques,
et surtout
terrible gouvernance politique de l'Europe, tellement irresponsable et
inconséquente mais tellement verbeuse. La violence de la crise a fait paniquer
nos Grands Princes Électeurs du Conseil Européen, ils se sont mis à exiger,
soudainement et pour tout de suite, des performances financières et budgétaires
qu'ils se sont bien gardés de contrôler pendant 13 ans.
La panique
est mauvaise conseillère, elle construit une bulle émotive qui nous enferme
dans la crise. Et c’est ce que traduit la sincérité du cri de la Ligue du Nord,
foulant au pied 150 ans d'histoire italienne et 60 ans d'histoire européenne.
C'est le repli sur les égoïsmes destructeurs, les simplismes coupables. Encore
quelques mois de cette logique et nous ne serons pas loin de la violence des
idées nauséabondes qui ont par deux fois anéanti l'Europe occidentale au cours du siècle
dernier.
Mais ne
sombrons pas dans le catastrophisme, et laissons la Ligue du Nord à ses démons
pour nous tourner vers cette Allemagne qui s'avère être le chantier de notre
nouvelle Europe en construction. Alors que la France se tait étrangement depuis
le début de la crise, l'Allemagne débat, furieusement, depuis environ un an.
Puis l'Allemagne a accepté de faire un accroc historique dans son crédo
anti-inflationiste pour aider la croissance européenne. Actuellement l'Allemagne
se lance dans une nouvelle étape, le lancement d'une campagne ambitieuse en
faveur de la construction européenne. Départ un peu chaotique, avec une photo
moins consensuelle que prévue de tous les anciens Ministres des Affaires
Étrangères, mais départ quand même. Je parie sur le succès de cette campagne et
je parie que cette campagne va ouvrir la voix à la solution (allemande) du
Redemption Fund. Solution qui est à mes yeux la meilleure sortie de crise
possible. L'Europe en marche. Merci l'Allemagne.
Et la
France dans tout cela? Elle est en vacances... En vacances de l'Europe, en
vacances de sa propre histoire aussi. Silence, un débat très pauvre, à peine
existant. A part le recours à la baguette magique pas grand chose. Incantations
pieuses sur la croissance, et bien sûr le slogan de toujours, l'Allemagne
payera, c’est le slogan sur les eurobonds sans bien savoir de quoi on parle au
juste. On peut trouver des excuses à la terrible médiocrité de la France de
l'entre-deux-guerres, tellement bien analysé par Marc Bloch dans L'Étrange
Défaite. La France avait été saignée à blanc durant la Première Guerre
mondiale, sa jeunesse avait été complètement décimée, réduisant fortement la
capacité du pays à s'adapter à un monde nouveau, à remettre en question les
héritages trop pesants et trop paralysants. Mais qu'est-ce qui empêche la
France d'aujourd'hui de se montrer impertinente et audacieuse? De construire
intelligemment une Europe nouvelle? D'au moins en discuter? La France ne se
targuait-elle pas d'être le pays des idées, des débats, des stratégies
politiques, de proposer un modèle d'universalisme? Après avoir laissé à l'Allemagne la prééminence politique, la
France souhaite-t-elle vraiment lui laisser également la prééminence politique?
Étrange et
pitoyable démission.
Le
Président actuel est sans doute mieux adapté que son prédécesseur bonapartiste
pour gérer la crise européenne. Mais ayons un tout petit peu plus d’ambition et
ne croyons pas que l’Europe en France soit l’affaire du seul Président de la
République.
Femmes et
hommes politiques, leaders d'opinion, penseurs de tout bord, à vos plumes! À
vos micros! Réfléchissez tout bas puis tout haut! Suggérez et proposez! Ne laissez pas les
citoyens seuls face à leurs craintes et leurs doutes. Expliquez et éclairer le
chemin de notre avenir. L’Europe ne réussira que si elle est vivante dans toutes
les têtes, dynamique et démocratique.
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